UNE SAGA FAMILIALE


A la fin du 19° siècle il est crée dans le 13° arrondissement de Paris une entreprise de camionnage et de loueurs de voitures hippomobiles par un certain ……..OSTLEITNER.

L’activité consiste principalement dans les transports de Tourbe arrivés en gare de Paris Gobelins vers la Raffinerie de Sucre SAY, installée également dans le 13° arrondissement.

Le samedi et le dimanche les chariots hippomobiles sont remplacés par des chars à bancs utilisés pour le transport des convives invités à des noces, communions, baptêmes, etc. Et également pour le transport des turfistes vers les champs de course parisiens.

Au lendemain de la guerre 14/18 c’est l’un des fils du fondateur Eugène qui reprendra l’affaire. Il vient d’être libéré après avoir effectué 3 ans de service militaire dans les pompiers de Paris et 4 ans de conducteur ambulancier durant la Grande Guerre.

Il va pendant 30 ans poursuivre le développement de l’affaire qui verra apparaître les premiers camions automobiles. A la veille de la guerre 39/45 l’entreprise possède pas moins de 70 chevaux et 4 camions automobiles (Renault et Bernard).

L’exode en fin 39, provoquera la disparition des chevaux et l’abandon de la traction hippomobile. Les propriétaires se réfugieront dans le Lot avec 2 camions. Le 3° bombardé, brûlera aux environs de Limoges et le 4° réquisitionné ne sera jamais retrouvé.

En juillet 40 l’activité reprendra avec les deux véhicules sauvegardés. Au titre de dommages de guerre il sera alloué au transporteur un Renault AGK avec moteur à essence. Celui-ci sera principalement utilisé à assurer le ravitaillement entre Paris / Le Havre / Paris.

En 1944, Paris ayant été libéré, l’activité reprend. Tout est à reconstruire et les demandes de transport sont énormes. C’est à cette époque qu’Eugène relance ce qui avait débuté avant guerre, le groupage et le dégroupage des envois à destination ou arrivant du grand port phocéen, Marseille. Les marchandises arriveront par moitié par le fer et par la route. A cet effet un quai SNCF sera mis à disposition en gare de Paris Bercy Rapée.

En 1948, Eugène, pour qui l’âge de la retraite va sonner, appelle à ses côtés l’un de ses gendres Henri SAULET. Tout en poursuivant les activités existantes, ce dernier va développer deux axes. Le premier consistera à assurer la liaison Marseille / Paris en régime accéléré par cadres ou containers de la CNC (Compagnie Nouvelle des Cadres). A l’époque le service est performant. Départ de Marseille à 18 heures pour être mis à disposition en gare de Paris à 08 heures le lendemain matin. L’entreprise collabore étroitement aussi avec les Transports Misrachi, Savonrice (STPA) et un transitaire Marius TIER et Fils, tous installés à Marseille. Elle assure aussi le dégroupage des Transports Laribière Frères de Périgueux, Le Gloanec de Pont-Labbé, etc. C’est l’entreprise type de camionnage parisien. Le deuxième axe consiste en la création d’une branche entreposage et préparation de commandes pour le compte de tiers. Ce qui s’appelle tout simplement logistique de nos jours. Nous n’avons rien inventé ! Pour ce faire l’entreprise va louer un important entrepôt SNCF à Paris Bercy Rapée Quai n°15, et, construire un stockage dans le 13°. Elle se spécialisera, compte tenu de ses relations avec la Provence (fruits confits d’Apt, dattes et figues d’Algérie, etc) la Bretagne (conserves, salaisons) le Périgord (Conserves Delpeyrat, noix de Dordogne, etc) dans le stockage et la distribution de ses produits. L’entreprise a pris le nom de SDTP (Service De Transports Parisiens).

A la fin des années 50, un contact est noué avec le nouveau directeur d’une filiale du groupe DANZAS. Il s’agit de Christian MICHIELINI, homme particulièrement dynamique qui vient de succéder à son beau-père à la tête de la filiale Denrées. Celle-ci est installée en plein cœur des Halles Centrales et exerce des activités de transports internationaux. C’est avant tout un transitaire et commissionnaire de transports. Avec Danzas Denrées la collaboration va se développer. Dégroupage et distribution des envois en provenance d’Italie (charcuterie et fromages), de Hollande (fromages), du Danemark (cuveaux de gruyère), etc, etc.

Compte tenu du développement avec Danzas, continuer à exploiter les entrepôts de Paris Bercy est devenu une charge trop lourde. Cette partie va être cédée au Réseau TRANSCAP, filiale de la CFAO (Compagnie Française de l’Afrique Occidentale). SDTP continuant à assurer les opérations de camionnage pour le compte de cette dernière.

En 1962, la ville de Paris a de grandes ambitions d’aménagement et de rénovation. Le 13° arrondissement en premier lieu. Ce qui va amener l’expropriation des locaux qui l’ont vu naître. A cette époque les propriétaires vont entrer en discussion avec le groupe Danzas qui se soldera par le rachat de SDTP (Transports OSTLEITNER) par l’importante maison Suisse dont le siège est à Bâle. Pour Christian MICHIELINI qui souhaite depuis longtemps posséder locaux et camions c’est un aboutissement. Il acquiert outre le fonds de commerce SDTP les 15 camions que l’entreprise exploitait. Il reprend également l’ensemble du personnel soit une trentaine de personnes. Nous sommes le 1° janvier 1964. Depuis un an le petit-fils du fondateur, fils d’Henri, Jean-Pierre a rejoint l’entreprise.

SDTP renaît sous le nom de Danzas Denrées à Saint-Denis où elle occupe de vastes locaux dans les anciennes usines DELAUNAY-BELLEVILLE. Un énorme pont roulant symbole de la grandeur passée de ce constructeur automobile occupe encore un des halls. Les halles de Paris étant transférés à Rungis, Danzas Denrées déménage dans la zone Sénia de Thiais (94) où Danzas a construit pour sa filiale un vaste entrepôt avec chambres froides sur deux niveaux. Le transport international par route va se développer en parallèle avec la distribution en région parisienne et à moyenne distance. En 1974, lorsque Christian MICHIELINI va quitter l’entreprise pour prendre la direction de Britanny Ferries celle-ci exploite plus de 70 véhicules, dont près de la moitié sont des maxi codes assurant des lignes régulières entre la France et l’Italie, le Bénélux, la Grande-Bretagne notamment. Jean-Pierre restera quelques temps chez Danzas Denrées où son frère cadet Christian a  également rejoint l’entreprise.

Tous deux quitteront l’entreprise le premier pour entrer chez Alamassé Bulle et Cie en tant que directeur d’exploitation. Il quittera Alamassé devenu entre temps TFE (Transports Frigorifiques Européens) pour rejoindre le groupe SAMAT en tant que directeur d’une filiale. A son arrivée celle-ci comptait 35 ensembles et 42 personnes, à son départ 12 ans plus tard, le parc comptait 125 maxi codes et 156 salariés. Aujourd’hui à la retraite, il exerce une activité de conseil et de commercial pour un des plus gros transporteurs Belges.

Quant à Christian il créa sa propre entreprise de transports qu’il conservera jusqu’à son départ à la retraite en 2008. Son fils Geoffroy épousera également la profession du transport. A ce jour il occupe un poste commercial important chez un des leaders du transport en France.

Dans la famille le transport est viscéral. Il y a plus de 25 ans, c’est Pascal le fils de Jean-Pierre qui entre dans la branche. Après avoir subi une formation de Conducteur-Routier il va exercer ce métier pendant 2 ans, chez TFE, avant de créer sa propre entreprise de transports sous température dirigée Approvisionnement Transport Express (ATE) dont il demeure toujours en 2010 le dirigeant.
C’est la cinquième génération de transporteurs dans la famille…..

                                                                                                                                                                                                                                                        .... Par Jean-Pierre SAULET.



L'Histoire en images


1-Eugène est photographié en 1956, avec son petit-fils Christian alors âgé de 10 ans devant un Berliet GLA 19A qui vient d’arriver tout droit des usines de Vénissieux.


            

2-3 Début des années 60. Deux vues de la cour, rue de Gentilly Paris 13° - Citroën P45, Renault AHN, Renault Galions



4- En janvier 1962, Christian est sur le quai. Il a alors 16 ans. A sa gauche, arrivées de Marseille des caisses de Dattes en provenance de chez Micasar. Leader de l’importation à l’époque des dattes d’Algérie. Ces dattes vont être livrées à différents commerçants de Paris et Banlieue ainsi qu’aux Halles Centrales.


        

5-6 La collaboration avec Danzas Denrées se développe. Soucieux de la préservation des produits alimentaires il a demandé à son prestataire la mise en place progressive de véhicules isolés. On ne parle pas encore d’isothermes ou de frigorifiques. Henri, par ailleurs grand bricoleur, occupera une partie de ses loisirs à construire cette caisse sur chassis Renault R 2161 à moteur latéral 85. Christine la petite fille du chauffeur aperçue devant, rentrera chez Danzas Denrées, et, par la suite poursuivra toute sa carrière chez TFE.



7- Roland collaborateur de longue date guide ici une 202 UH de 1949 à se glisser dans un espace réduit. A côté un Renault AHN. Ce type de camionnettes était utilisé pour la distribution de petits colis dans Paris et sa proche banlieue.

A l’époque la circulation dans Paris se densifie et ces petits véhicules sont appréciés pour la distribution. Leurs qualités, robustes acceptent plus de une tonne de charge, fiables peu gourmands en carburant, rapides et maniables.



8- Janvier 62. Roland et Henri vérifient les bonnes origines et destinations de ce colis avant que celui-ci soit chargé dans la camionnette.



9- Il fait froid en cet hiver 62 à Paris. Le tracteur FAR type HE 85 de 1957, malgré son blocage de différentiel glisse sur les pavés et pose des difficultés pour s’atteler à la remorque Lagache et Glazmann sur laquelle sont chargés 2 cadres CNC de 8 et 12 m3.



10- Comme sur le cliché précédent la collaboration en 1962 avec le groupe Danzas s’amplifie. Plusieurs véhicules sont peints aux couleurs de ce transporteur. On voit un Renault « fainéant » type R4220 et l’avant d’une camionnette Peugeot 202 UH.



11- 1966, chez Danzas Denrées à Saint-Denis. De gauche à droite Henri et Jean-Pierre SAULET, et, Henri DENIEL rentré dans le groupe récemment. Derrière eux des cartons « Couscous GARBIT ».



12- 1967/1968, DANZAS Denrées a quitté Saint-Denis et occupe provisoirement des locaux en gare routière SOGARIS à Rungis. Cela en attendant que la construction de la Sénia soit terminée. A quai un Renault Galion R.2167 et un Citroën 350 NYDP- 4 cylindres Diesel Perkins. Entre les deux on aperçoit le nez d’un Citroën Type H. C’est le premier véhicule acheté neuf par Danzas et carrossé par Tual et Gourmelen à Trédion (56). Jusqu’à sa disparition, ce carrossier réalisera les caisses frigorifiques de Danzas. Ironie du sort le dernier grand ensemble (Porteur-remorqueur UNIC V8 P270 et remorque Fruehauf à 3 essieux) construit par Tual et Gourmelen sera un véhicule Danzas Denrées. Cet ensemble est présenté dans le beau livre de Daniel BAZIN sur Tual et Gourmelen.



13- 1970- Le premier sous température dirigée. Ce SAVIEM JL19 date de 1957. Ce camion est en fait un SOMUA dont il possède le moteur de même marque rebaptisé SAVIEM depuis la fusion de ce constructeur avec LATIL et RENAULT en 1955. Racheté d’occasion aux Laiteries Parisiennes. Sa caisse d’origine isolée avec glace hydrique a été remplacée par une autre, fabriquée par SICAL à Lorient. Le groupe est un ZHENDRE avec moteur thermique à pistons rotatifs NSU. Le véhicule est peint aux couleurs de l’OTF. Un GIE formé entre les Bretons Louis Monnier d’Auray, Freddy Verschuren de Lorient, Transports Mélédo Frères, et Danzas Denrées. Ce GIE possèdera aussi des porteurs-remorqueurs 1929 Mercédès. A la dissolution du GIE deux de ces ensembles seront repris par Danzas Denrées et affectés à la ligne Rungis / Novara (I) / Rungis. Danzas Italie possédant en effet un important centre de groupage dans cette ville à proximité des principaux producteurs de charcuterie et fromages.



14- En 1970 Danzas Denrées va reprendre aussi d’occasion ce SAVIEM JM 170 de 1963. Portant le numéro de parc 98 il assure plusieurs fois par semaine la ligne Paris-Rungis/ Bruxelles / Paris sous température dirigée. Le groupe de production de froid est un Thermo-King de première génération, avec un moteur de Jeep. Ce camion fiable laissera dans l’entreprise un excellent souvenir.



15- Le constructeur de Puteaux est devenu le fournisseur de Danzas Denrées. Ce P8 de 1972 équipé d’un groupe Petter, aux couleurs de l’OTF portant le numéro de parc 112 assure des tournées régionales et le cas échéant des allers-retours France / Grande Bretagne.